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La Presse au sommet de son art

En 200 ans, le journalisme n’a cessé d’évoluer. De La Gazette de Paris à Konbini, l’information s’est transformée et démocratisée. Les médias, parfois appelés “quatrième pouvoir”, sont devenus un pilier de notre société. Cela fut rendu possible grâce à certains journaux, révolutionnaires ou novateurs, qui marquèrent à jamais l’histoire de la profession. Laissez-moi vous conter l’histoire de La Presse. 

 

Tout commence en 1828. Alors âgé de 22 ans, Emile de Girardin fonde son premier périodique : Le Voleur. Un titre révélateur pour un journal qui regroupe, sans autorisation préalable, une sélection d’articles parus dans les revues de province. Ambitieux, le jeune homme continue sur sa lancée. Il lance en 1829 La Mode, un titre visant un public féminin, puis en 1831, il crée Le Journal des connaissances utiles. En seulement deux ans, le média à vocation éducative compte déjà plus de 100 000 abonnés.

C’est alors que le 1er juillet 1836, Emile de Girardin publie la premier exemplaire de La Presse. Et c’est tout le monde du journalisme qui s’incline. Presse d’opinion, d’actualités, roman-feuilletons … Le quotidien propose un genre nouveau, bien plus complet que ses concurrents (Le Constitutionnel, Le Journal des débats).

Emile de Girardin caricaturé dans "Les Hommes d'Aujourd'hui" en 1878


Feuilleton et fidélisation

 

Révolutionnaire sur le fond et bien plus encore. En parallèle de cette réussite, le créateur souhaite que son titre soit accessible à un maximum de monde. Dans cette optique, il réduit de moitié le prix de l’abonnement, qui passe de 80 à 40 francs. Pour se faire, il introduit progressivement de la publicité pour compenser ses pertes. Alors que le média visait à ses débuts un public plutôt aisé, sa clientèle évolue et La Presse devient populaire.

 

L’évolution est saisissante. Le quotidien passe de 13 000 à 63 000 tirages en deux ans. Son secret ? La fidélisation de la clientèle. Chaque jour sont publiés des romans-feuilletons dans La Presse. Jusqu’alors, les feuilletons n'étaient que des rubriques de bas de page dévoués à la critique littéraire. Girardin va changer cela et faire appel aux auteurs les plus prometteurs de son époque. Dumas, Balzac, Gautier, Sand … Tous participent à ce rassemblement littéraire et publient leurs roman-feuilletons. Désormais, les lecteurs n’achètent pas qu’un journal, pour 40 francs, ils peuvent suivre leurs “séries” quotidiennes. Une sorte de Netflix de l’époque. 

 

L’activité du journal dérange cependant ses confrères et Girardin est l’objet de vives critiques. En 1848, Rigobert montre Emile de Girardin, hotte de chiffonnier sur le dos, fouillant dans un vieux tas de papiers le qualifiant "d'ordure'', l’accusant de “calomnies”, “saletés” et “rancunes”. 

 

En 1927, le journal provoque lui-même sa chute en annonçant la réussite d’une opération d’aviation. Or, Nungesser et Coli, les deux aviateurs en question, ne sont jamais revenus. Alors que La Presse avait pour devise de “donner des nouvelles promptes et sûres”, c’est le non-respect de cette règle fondamentale qui provoque sa chute. Cette fausse information cause un discrédit inédit et fait chuter le nombre de lecteurs … La fin d’une ère. 

 

Louis Bouchard