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Le Petit Parisien, puissance politique à part entière

A la veille de la Première Guerre mondiale, quatre quotidiens français se disputent le trône de journal le plus influent : Le Matin, Le Petit Journal, Le Journal et enfin Le Petit Parisien. Chacun jouit alors d’une visibilité immense, tirant tous à plus d’un million d’exemplaires par jour. Dans cette guerre médiatique, Le Petit Parisien s’impose comme une figure autoritaire. Et pourtant, sa ligne éditoriale n’a cessé d’évoluer. 

 

En 1876, un juriste du nom de Louis Andrieux décide de fonder son journal. Radical, anticlérical, le média vise un public orienté à gauche. Rapidement, Le Petit Parisien se fait un nom. Se présentant comme un journal politique du soir, il réussit en quelque mois à réunir de fidèles lecteurs, tous rattachés à la ligne éditoriale d’un journal qui ne mâche pas ses mots. En 1879, le journal tire déjà 23 000 exemplaires. Avec un prix de seulement 5 centimes, Le Petit Parisien affirme son statut de journal populaire et ses tirages ne cessent d’augmenter. 

 

L’arrivée de Jean Dupuy

 

En 1884, Jean Dupuy devient propriétaire du journal. Dès lors, Le Petit Parisien se fait une place parmi les médias français les plus influents. Grâce à ses feuilletons et à des auteurs tels que Guy de Maupassant, Jules Vernes ou encore Emile Zola, le journal augmente massivement ses tirages qui atteignent les 150 000 exemplaires. Cependant, ce sont aussi les contacts et le rôle politique de la famille Dupuy qui jouent un rôle déterminant dans la réussite du journal. 

 

De part ses connaissances au gouvernement (Ribot, Rouvier, Waldeck-Rousseau), le patron de presse devient une personnalité politique à part entière. A tel point qu’en 1891, il devient sénateur des Hautes-Pyrénées. C’est avec l’affaire Dreyfus en 1894 que le journal va jouer un rôle crucial. Tandis que les médias antisémites (La Libre Parole, L’Antijuif …) se déchaînent, Le Petit Parisien apparaît très modéré. Il relate alors les faits sans prendre véritablement parti. En 1895, la famille Dupuy décide de soutenir le lieutenant-colonel et plaide pour une révision du procès qui avait condamné Dreyfus. Une prise de position qui va asseoir encore davantage le journal dans le paysage politique français. En 1905 puis 1913, Jean Dupuy va utiliser la visibilité de ses titres - qui dépassent le million d’exemplaires - pour se prononcer en faveur la séparation de l’Eglise et de l’Etat ainsi que pour l’allongement de la durée du service militaire à trois ans

Une du Petit Parisien le dimanche 25 mars 1900


Apogée puis scandale

 

La Première Guerre mondiale (1914-1918) va inscrire Le Petit Parisien dans l’histoire du journalisme. Le journal publie alors les nouvelles du front et du divertissement pour remonter le moral des troupes. En 1916, les titres se vendent à plus de deux millions d’exemplaires. Le lendemain de la Victoire (12 novembre 1918), il dépasse les trois millions d’exemplaires et bat alors tous les records mondiaux. La famille Dupuy est à son apogée. 

 

Commence un revirement structurel et politique. Tout d’abord, la ligne éditoriale s’oriente nettement à droite. En 1919, Claude Anet, alors journaliste, rédige un article où il condamne la révolution bolchevik en la comparant au tsarisme. En 1930, Pierre Dupuy, fils de Jean Dupuy, rencontre Mussolini. Il se prononce peu après pour un accord franco-italien et est nommé grand officier de l'Ordre de la Couronne italienne.  L’avis du journal vis à vis du nazisme demeure assez neutre et Le Petit Parisien ne condamne pas les Jeux Olympiques de 1936 à Berlin. 

 

La honte intervient à partir de 1939. Alors que les ventes du journal baissent, sa puissance politique est également sur le déclin. La faute notamment à des prises de positions controversées. Le 11 juin 1940, le dernier numéro du quotidien des Dupuy paraît, titrant alors “L'Italie déclare la guerre à la France. On s'y attendait”. 

 

Le journal est peu après récupéré par Laval et se déclare “pour le maréchal”. La fin d’une ère et d’un journal qui aura battu le record du nombre de tirages en 1918. 

 

Louis Bouchard