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Le Regards du peuple

Ils étaient partout. Entre les chars et les obus d’un champ de bataille, dans le mazout et la fumée des usines mais aussi dans la folie des manifestations. Ils n’avaient pour seule arme qu’un appareil photo et des pages de journaux. Leurs clichés étaient ceux du peuple, leurs Regards étaient le nôtre.

 

Politiques, novateurs, indépendants, les photographes du magazine Regards étaient des missionnaires en quête de vérité. Dans leurs objectifs se reflétaient les causes du peuple oublié. 

 

Un journal militant ...

 

C’est à Berlin que l’histoire du magazine commence. En janvier 1932, le Secours Ouvrier International sort le premier numéro du mensuel Regards sur le monde du travail. Le principe du journal est simple : photographier et dessiner le quotidien des hommes de l’ombre, reclus à l’usine. Malheureusement, l’arrivée du nazisme au pouvoir voit d’un mauvais œil ce média de sensibilité communiste, qui ne fera paraître que 25 numéros

 

Mais non loin de là, en France, le critique et théoricien de cinéma Léon Moussinac reprend la formule. Si le principe et le message du média sont identiques, sa parution et sa forme évoluent. C’est en septembre 1933 que le numéro 26 de l’hebdomadaire, renommé sobrement Regards, voit le jour. 

 

Tous les jeudis, le journal est disponible dans les kiosques pour 1 franc. Un prix dérisoire, symbole de la volonté de la rédaction d’être populaire et militante, mais qui n’enlève rien à la qualité de son contenu. Au contraire, Regards offre une information nouvelle, réelle et illustrée. Sous le pinceau du peintre Edouard Pignon, s’occupant de la mise en page, les photographies du magazine dépeignent des réalités trop peu mises en avant. 

 

L’édition de Regards de Juin 1937 cf wordpresse.com

 

… aux personnalités mémorables

 

Car les évènements couverts par Regards sortent de l’ordinaire. Puissamment engagé dans la lutte antifasciste, le journal est sur tous les fronts. Il est en Espagne, où les clichés de Gerda Taro, Robert Capa et Chim (David Seymour) font le tour du monde. Il est aux Etats-Unis pour couvrir la lutte contre la ségrégation. Il est surtout, plus que jamais, dans le quotidien des ouvriers, pour conter le dur labeur des classes populaires. 

 

Outre le photojournalisme, Regards c’est également l’investigation. En témoigne son réquisitoire contre les fraudes alimentaires en 1935. Cette capacité à dénoncer et défendre des causes fait du média une puissance politique à part entière. Encore davantage quand on connaît la personnalité de ses journalistes, véritables légendes en leur temps. 

 

Toutefois, le titre est interdit en 1939 après la reconnaissance du pacte germano-soviétique par le Parti Communiste Français. Le dernier numéro du Regards de Léon Moussinac sort le 28 septembre 1939, à la veille de la Seconde Guerre mondiale.

 

Louis Bouchard