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Paris-Match : De l’investigation au star-system

“Le poids des mots, le choc des photos”. Nul autre slogan ne peut mieux définir la philosophie du magazine Paris-Match. Créé en 1949 par Paul Gordeaux et Jean Prouvost, Paris-Match est aujourd’hui une institution du photojournalisme en France. Pour autant, le magazine est l’un des plus controversés, ses détracteurs lui reprochant de n’être qu’un repaire de paparazzis favorisant le star-system. Une réputation sulfureuse qui omet 70 ans d’histoire, allant de Grace Kelly à Johnny Hallyday. 

 

L’information par la photographie

 

Si aujourd’hui le magazine est la vitrine de la presse people en France, Paris-Match était, à ses débuts, un magazine hebdomadaire d’actualités. En effet, la première Une de l’histoire du journal mettait en avant … Winston Churchill. On était alors le 25 mars 1949 et le premier ministre britannique partageait la première page avec le blocus de Berlin et un reportage sur Shangaï. 

 

Ambitieux, le magazine connaît pourtant un démarrage très délicat. Tiré à 340 000 exemplaires pour sa première édition, le journal ne trouve pas vraiment son public puisque le titre ne se vend qu’à 180 000 exemplaires.  Selon Philippe Boegner, directeur de rédaction à l’époque, le journal souffrait d’une ligne éditoriale trop floue, entre people et  actualité générale. La première année de Paris-Match voit ses tirages descendre à 200 000 exemplaires mais surtout un déficit croître jusqu’à 250 millions de francs au 1er janvier 1950. 

 

En grande difficulté, le magazine ne change pourtant pas de ligne éditoriale et continue de traiter de l’actualité générale. C’est d’ailleurs grâce à cela que Paris-Match redécolle en août 1950, avec un numéro sur la conquête de l'Annapurna. Cette 74ème édition est tirée et vendue à 320 000 exemplaires, un record jusqu’alors. 

 

Ce reportage de Marcel Ichac est une vitrine idéale pour le journal. Composée de 16 pages, uniquement remplie de photographie exclusive en noir et blanc, l’édition séduit instantanément le public. De plus, il faut ajouter que Paris Match a déboursé 600 000 francs pour obtenir le récit exclusif des membres de l'expédition. Une prise de risque qui paie et lance véritablement le magazine. 

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Marilyn Monroe en Une de Paris-Match en 1953 

 

Succès et guerres coloniales 

 

1951 est l’année de la confirmation pour Paris-Match. Le magazine profite de l’opulence médiatique de cette année pour éclore aux yeux du public. Il couvre alors des événements tels que la mort du général Pétain ou celle du maréchal de Lattre, des numéros qui atteindront les 600 000 tirages. Suivent alors des éditions consacrées au décès et aux funérailles de Georges VI qui dépassent la barre du million d'exemplaires, tout comme celle sur le couronnement de la reine Elizabeth en juin 1953.

 

Le succès de ces couvertures conforte le magazine dans sa volonté de couvrir l’actualité générale. Dans cette optique, le média va alors consacrer nombre de ses éditions aux guerres coloniales. De l’Algérie en Indochine, les photographes du média rapportent des témoignages poignants mais controversés. En effet, certains reprochent au magazine de rendre une image “désorganisée” de l’armée française. 

 

Parmi tous ces photographes partis à l’étranger, l’un va particulièrement marquer les esprits : Jacques de Potier. Ce dernier, parti au Cambodge pour couvrir les conflits, va émouvoir la France. Blessé par une rafale de mitraillette en portant secours à un soldat, il parcourt la jungle du Cambodge à dos d'éléphant, après avoir été décoré de la croix de guerre, sur son lit, par son ami, le général Salan.

 

Petit à petit, la légende de Paris-Match se forme. Présents partout, ses photographes impressionnent par leur professionnalisme. Le meilleur exemple est celui des journalistes Daniel Camus et Marie-Hélène Viviès. En janvier 1959, le couple interrompt sa lune de miel à La Havane pour couvrir la révolution cubaine qui vient d’exploser. Grâce à leurs images et témoignages, Paris-Match sera le seul magazine en Europe à publier des photos des premières heures de ces événements. 

 

Concurrence et changement de ligne éditoriale 

 

Le succès du magazine attire rapidement l’attention des magnats de la presse. Tandis que la ligne éditoriale de Paris-Match évolue et se veut plus indiscrète au milieu des années 50, des concurrents émergent. C’est le cas de France-Dimanche qui, un an après sa création en 1956, explose les ventes en couvrant les décès de Sacha Guitry et d’Ali Khan, atteignant rapidement les 500 000 tirages. 

Alors qu’en 1958, les tirages s’élevaient à près de 1.8 millions d’exemplaires, ils descendent en dessous des 500 000 à la fin des années 60. S’en suit une vague de rachats de la part de la société propriétaire du Figaro en décembre 1973, puis par Hachette en juin 1976 qui le cède dans la foulée à David Filipacchi pour 20 millions de francs. 

 

Une revente fructueuse puisque les chiffres vont rapidement remonter, notamment par l’intermédiaire d’une édition spéciale sur Mao à l’occasion de son décès le 7 novembre 1976. Celle-ci va être tirée à plus de 1.7 millions d’exemplaires. 

 

Cependant, la concurrence et la baisse des ventes ont conduit le magazine à revoir sa ligne éditoriale au début des années 80. Paris-Match préfère désormais miser sur l’aventure humaine, les scoops et les images chocs. Fidèles à leur ancien slogan “le poids des mots, le choc des photos”, le magazine se complaît depuis dans l’indiscrétion et le star-system. 

 

Pourtant, en 2008, la devise change pour “la vie est une histoire vraie”. Un changement de slogan mais pas d’idées : Paris-Match mettra toujours en avant l’image avant les mots. 

 

Louis Bouchard